Nous connaissons tous les taxonomies biologiques, qui classent les organismes vivants du règne jusqu’à l’espèce, en passant par l’embranchement et le genre. Bien qu’il existe des dizaines de millions d’espèces vivantes ayant des formes, des tailles et des habitats très différents, il est possible d’utiliser une taxonomie afin d’identifier rapidement un groupe très réduit.
Lorsque nous cherchons des stratégies et des tactiques efficaces, nous devons trier des millions d’actions passées et potentielles, dont la plupart se sont soldées par des échecs historiques ou ont abouti à des impasses. Une brève et grossière taxonomie de la résistance peut nous faire gagner beaucoup de temps et nous épargner bien des angoisses. À l’aide d’une catégorisation des actions, nous pouvons déterminer rapidement quelles tactiques sont vraiment efficaces et appropriées pour sauver la planète (ainsi que pour de nombreux types plus spécifiques d’activisme visant la justice écologique et sociale). Une taxonomie de l’action peut nous suggérer des tactiques que nous n’aurions peut-être pas envisagées autrement.
Nous pouvons schématiquement diviser l’ensemble de nos tactiques et de nos projets en deux catégories : les actes d’omission et les actes de commission (figure 6-1, « Une taxonomie de l’action », p. 285). Bien entendu, ces catégories se recoupent parfois. Une manifestation peut être un moyen de faire pression sur un gouvernement, une manière de sensibiliser l’opinion publique, une tactique ciblée de perturbation économique, ou les trois à la fois, selon l’intention et l’organisation. Par ailleurs, une tactique peut parfois en soutenir une autre ; un acte d’omission comme une grève est susceptible d’être bien plus efficace lorsqu’il est accompagné d’une propagande et de manifestations.
Avant de procéder à un rapide tour d’horizon des options taxonomiques de résistance dont nous disposons, il convient de vous avertir. L’Histoire peut beaucoup nous apprendre, mais ses leçons s’accompagnent d’un certain fardeau. Oui, les histoires de ceux qui ont choisi de contre-attaquer et de lutter sont pleines de courage, de drames et d’ingéniosité. Et, oui, de leurs triomphes et de leurs échecs, nous pouvons nous inspirer, nous imprégner. Mais ce faisant, nous apprenons également, et tel est le fardeau de l’Histoire, qu’il n’y a aucune solution de facilité.
Dans Star Trek, tous les problèmes peuvent être résolus au dernier moment de la scène finale en inversant la polarité des boucliers déflecteurs ; mais cela n’a rien à voir avec la réalité, ou avec notre avenir. Chaque victoire de la résistance a été obtenue dans le sang et les larmes, au prix d’angoisses et de sacrifices. Ce que l’Histoire nous enseigne douloureusement, c’est que les moyens de résister sont limités, qu’ils ont déjà été inventés, et qu’ils impliquent tous une lutte intense et risquée. Lorsque les résistants l’emportent, c’est bien souvent parce qu’ils ont combattu avec plus d’acharnement que ce qu’ils pensaient possible.
Voilà l’autre partie du fardeau dont nous héritons. Quand nous aurons appris les histoires de ceux qui se sont battus – quand nous les aurons vraiment apprises, quand elles nous auront fait pleurer, quand nous les aurons gravées dans nos cœurs, quand nos corps les porteront comme l’ancien combattant porte ses éclats d’obus – nous n’aurons plus d’autre choix que de combattre nous aussi. Alors, seulement, nous pourrons espérer nous montrer dignes de ce qu’ils ont accompli. Certains ont combattu dans les conditions les plus hostiles et les plus épouvantables qu’on puisse imaginer ; ils sont nos prédécesseurs dans la lutte pour la justice et pour un avenir soutenable. Mais ceux qui luttent n’appartiennent pas qu’au passé, ils existent aussi au présent [« Le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent », disait Lucie Aubrac, NdT]. Et on ne les compte pas seulement parmi les êtres humains, mais parmi tous ceux qui ripostent.
Nous devons lutter. Si nous ne le faisons pas, nous mourrons, et pas uniquement dans le sens d’une mort physique. Lorsque vous aurez vraiment pris la mesure de l’abnégation, de la persévérance et de la bravoure dont les résistants ont fait preuve durant les périodes les plus sombres, il vous faudra soit agir, soit mourir en tant que personne morale. Nous devons combattre, non seulement pour triompher, mais pour montrer que nous sommes à la fois vivants et dignes de cette vie. »
Résumé
Depuis des années, Derrick Jensen pose régulièrement la question suivante à son public : « Pensez-vous que cette culture s’engagera de manière volontaire dans une transformation vers un mode de vie véritablement soutenable et sain ? » Personne, ou presque, ne répond par l’affirmative. Deep Green Resistance (DGR) commence donc par établir ce que les écologistes « mainstream » se refusent à admettre : la civilisation industrielle est manifestement incompatible avec la vie sur Terre. Face à l’urgence de la situation, les « technosolutions » et les achats écoresponsables ne résoudront rien. Pour sauver cette planète, nous avons besoin d’un véritable mouvement de résistance en mesure de démanteler l’économie industrielle.
Les auteurs
Derrick Jensen est un écrivain, un philosophe et un activiste états-unien, auteur de plus de 20 livres dont plusieurs best-sellers. Sa perspective est l’une des plus cruciales du mouvement écologiste. Parmi ses ouvrages, on retrouve notamment A Language older than Words, The Culture of Make Believe et les deux volumes de Endgame.
Lierre Keith est une écrivaine, féministe radicale, écologiste et militante pour la sécurité alimentaire. Son ouvrage Le mythe végétarien : Alimentation, Justice et Durabilité a été appelé « le livre écologiste le plus important de sa génération ».
Aric McBay est un militant et un petit agriculteur biologique. Il est également co-auteur, avec Derrick Jensen, du livre What We Leave Behind.
L’importance de ce livre
DGR évalue les options stratégiques qui s’offrent à nous, de la non-violence à la guérilla, et pose les conditions nécessaires à une victoire. Ce livre explore aussi les sujets, concepts et modes opératoires des mouvements de résistance et des grandes luttes de ces derniers siècles : les types de structures organisationnelles, les modalités de recrutement, la sécurité, les choix des cibles, etc. DGR n’est pas seulement un livre, c’est aussi un mouvement qui propose un plan d’action concret. Il s’agit d’une lecture obligatoire pour tout militant souhaitant comprendre les enjeux de notre temps, l’idéologie et les faiblesses de la culture dominante ainsi que les stratégies et tactiques de lutte efficaces.
Disponible sur la distro de l’Arrosoir, ici ou chez votre libraire de quartier.
Disponible sur nos distros – tables de presse – infothèques futures !
Prochaines dates :
* Le 15 mars à l’open mic suivant la manif antirépression.
* le 6 avril au squat Le Ritabaga.
* et lors de toutes les activités du local Le Chaudron.
Accusé notamment d’antisémitisme, un commissaire de police à la zone Midi a été déplacé
L’homme était responsable de la brigade canine. Il fait l’objet de plusieurs plaintes pour antisémitisme, mais aussi racisme, sexisme et homophobie.
La Ligue belge contre l’antisémitisme aurait préféré que le policier soit suspendu, plutôt que déplacé.
Une enquête judiciaire et une enquête disciplinaire interne sont ouvertes au sujet du commissaire à la tête de la brigade canine de la zone de police Midi. Une zone qui réunit les communes d’Anderlecht, de Forest et de Saint-Gilles.
Des plaintes en interne
Le commissaire fait l’objet de cinq plaintes émanant de membres de la brigade, soit le tiers des effectifs.
Deux policiers d’origine juive se plaignent de discrimination. Le commissaire les obligerait à écouter des chants nazis et tiendrait des propos négationnistes.
Plusieurs communautés visées
Pour le président de la Ligue belge contre l’Antisémitisme, l’officier ne s’en prend pas qu’aux Juifs. Les personnes d’origine maghrébine, les femmes ou les homosexuels font également partie des cibles du responsable de la brigade canine.
En attendant les conclusions de l’enquête, le collège a décidé de muter le commissaire.
Par ailleurs, selon nos informations, un autre officier de la zone Midi pose aussi problème. Il a fait l’objet d’une cinquantaine de plaintes pour harcèlement. Il irait jusqu’à chronométrer le temps mis par les policiers pour aller aux toilettes. Pourtant, aucune mesure ne semble avoir été prise par la direction de la zone. « Une zone où le copinage existe à tous les étages et où on se couvre les uns les autres« , selon un conseiller de police.
—————————————————————————————————
Depuis RTBF info 22/02/19
Un commissariat d’Anderlecht perquisitionné, un commissaire visé
Un commissariat de police d’Anderlecht, situé rue de Neerpede dans le quartier du même nom, a été perquisitionné vendredi matin par des agents de l’inspection générale de la police, dans le cadre d’une enquête visant l’ancien responsable de la brigade canine de la zone Midi qui est basée sur ce site, révèle vendredi la télévision locale Bx1.
L’enquête a débuté il y a plusieurs mois, en mai 2018, à la suite d’une plainte déposée par la Ligue belge contre l’antisémitisme pour harcèlement et antisémitisme à l’encontre de Geert Verhoeyen. Selon Bx1, la plainte relayait les témoignages de plusieurs agents, au moins six, opérant sous les ordres de Geert Verhoeyen, qui rapportaient des faits des harcèlement au travail et des propos antisémites. Le principal intéressé aurait notamment diffusé des chants nazis dans le cadre de son travail, et insulté des personnes d’origine étrangère ou homosexuelles.
Le commissaire incriminé avait été provisoirement déplacé le temps d’une enquête interne.
Depuis le début de la révolte à Ferguson en août dernier jusqu’aux manifestations à Oakland et Berkeley de la semaine dernière, la destruction de biens est au centre d’une nouvelle vague de mobilisations contre les violences policières. Mais qu’est-ce que le vandalisme à l’encontre des grosses entreprises a à voir avec la protestation contre la brutalité policière? Pourquoi casser des vitrines?
Tout d’abord, comme d’autres l’ ont déjà dit, la destruction de biens est une tactique efficace. Depuis le Boston Tea Party jusqu’aux manifestations contre le sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce en 1999 à Seattle, la destruction de propriétés privés a été un élément essentiel de nombreuses luttes. Il peut faire pression sur les oppresseur.euse.s ou les punir en portant un coup à leur portefeuille. Il peut mobiliser de potentie.lle.s camarades en démontrant que le pouvoir n’est pas invincibles . Cela peut forcer à parler de problèmes qui autrement seraient ignorés – nous n’aurions certainement pas de débats “nationaux” sur le racisme, les classes sociales et le maintien de l’ordre sans les actes courageux de quelques vandales à Ferguson. Enfin, il traduit un rejet sans compromis de l’ordre dominant, Ouvrant un espace dans lequel les gens peuvent commencer à imaginer les choses autrement .
Les accusations de destruction de propriétés ne font pas bon genre sur un CV ou lors d’une campagne pour le conseil municipal, mais c’est peut-être une plutôt bonne chose. Cela signifie que le vandalisme politique est généralement un acte désintéressé – et même dans le cas contraire, il se doit d’être sa propre récompense. Il y a plus de raisons de se méfier des arrière-pensées des activistes rémunéré.e.s et des politicien.ne.s en herbe que de remettre en question les motivations des vandales. Cela explique peut-être pourquoi les activistes et les politicien.e.s les critiquent.
Les vitrines représentent la ségrégation. Ce sont des barrières invisibles. Comme tant de choses dans cette société,elles offrent simultanément une vision de ce que devrait être «une bonne vie», tout en y empêchant l’accès. Dans une économie en voie de polarisation, les vitrines défient les pauvres avec des produits qu’iels ne peuvent pas se permettre d’acheter, un statut et une sécurité qu’iels ne pourront jamais atteindre. Pour des millions de personnes, les aliments sains, les médicaments et les autres biens dont iels ont besoin, représentent tout ce qui les sépare de la classe sociale supérieur, un gouffre qu’iels ne franchiront pas au cours d’une vie de dur labeur, un gouffre représenté par un centimètre de verre.
Casser une vitrine, c’est contester toutes les frontières qui traversent cette société: noir et blanc, riches et pauvres, inclus et exclus. La plupart d’entre nous sont devenus habitués à toute cette ségrégation, considérant ces inégalités inévitable, comme allant de soi. Briser des vitrine est une façon de briser ce silence, de remettre en question la notion absurde que la construction sociale du droit de propriété est plus importante que les besoins des gens autour de nous.
Selon un argument réactionnaire, les vandales saccageraient «leur propre quartier», mais c’est une façon malhonnête de parler de celleux dont le nom n’apparaît dans aucun document. La suite de l’article en cliquant ici.
Illustration de Prenzy avec vente d'impressions sérigraphiées en soutien aux prisonnier.e.s :
https://www.facebook.com/prenzyartworks/photos/a.940927672661114/2076284075792129/?type=3&permPage=1
Pour l'acquérir : antireprenzy[arobase]gmail.com
[URGENCE : ACCÉLÉRATION FASCISTE EN ITALIE]
Il y aurait évidemment tant à dire sur les luttes en cours, les gilets jaunes qui continuent malgré la répression, les camarades qui repoussent l’extrême droite à Lyon, ces derniers qui attaquent à Toulouse (en étant repoussés et en quittant la manif) …
Mais ce texte (qui risque d’être un peu long) est une urgence internationaliste, regroupant des informations importantes, des moyens d’apporter une solidarité, des éléments de contexte historique, et une réflexion sur ce qui pourrait nous arriver.
Le texte publié ici fait suite à l’expulsion du squat politique l’Asilo Occupato à Turin jeudi 7 février.
LES CENTRI SOCIALI
Impossible de raconter ce qui se passe en Italie sans contextualiser un peu. En Italie, les occupations illégales à caractère politique ne ressemblent pas tout à fait à ce que l’on connaît en France. Occupés depuis de nombreuses années, parfois les années 1970 (et ce n’est pas si rare), certains sont seulement des lieux d’activités politiques, culturelles et sociales, d’autres sont aussi des lieux d’habitation. On appelle ça un Centro Sociale (Centre social), il y a le C.S.O.A. = centre social occupé autogéré, le C.S.A. = centre social autogéré, enfin plusieurs déclinaisons de ce phénomène.
Il y en a beaucoup en Italie, ils sont des lieux importants de vie collective et d’organisation politique. Ils sont liés à ce que l’on appelle là-bas les antagonistes, et sont aussi de plusieurs couleurs politiques, traversés évidemment par des contradictions (comme toute activité humaine), des enjeux internes propres, des situations différentes, et des idéologies politiques différentes. Certains lieux deviennent moins radicaux avec le temps, d’autres tentent tant bien que mal de rester fidèles à l’esprit de leur ouverture…. Les réalités sont très diverses en fonction des lieux. On en trouve dans toute l’Italie, et dans de très nombreuses villes, parfois en belle quantité.
C’est à Rome que se trouve probablement le plus grand squat d’Europe, le Csoa Forte Prenestino dont vous pouvez suivre l’activité sur la page Eventi CSOA Forte Prenestino, occupant depuis plus de 30 ans une forteresse militaire du 19ème siècle. Big up aux occupant.e.s !
Ces lieux se sont illustrés (parfois malheureusement c’est un peu trop passé, pour d’autre lieux c’est toujours le cas) dans de nombreuses luttes. Ils ont subi une terrible répression autour du G8 de Gènes car très actifs pendant la période. Ils sont insérés dans les luttes comme le NO TAV (le notre dame des landes italien), organisent des évènements de solidarité, des salles de sport populaire, des espaces de discussion, de rencontre, des manifestations, des cortèges. des projections, des repas, des fêtes, des concerts, des débats, des festivals …
Ce sont réellement des lieux de vie. #DefendYourLocalSocialCentre
DEFENSE DES CENTRI SOCIALI & ANTIFASCISME
Ils ont souvent été déféndus par des manifestations offensives et déterminées. La police italienne se souvient encore de sa terrible déroute lors de l’expulsion du Leoncavallo à Milan en 1994, dont vous pouvez voir des images ici :
Un cortège déterminé de 100 000 personnes envahit la ville et met la police en très grande difficulté.
Nous nous souvenons aussi de la défense et de la ré-occupation le lendemain du centro sociale ESC dans le quartier de San Lorenzo à Rome en janvier 2007. Et l’on peut retrouver la trace de nombreuses histoires de ce type.
Tous, ou presque, ont en tout cas très vite compris que la ligue du nord (aujourd’hui « la lega ») ne serait pas leur amie. En effet, ce sont aussi des lieux de diffusion d’une culture antifasciste et beaucoup se positionnent contre toute forme de discrimination et d’oppression (qui est une lutte menée aussi en interne). C’est tout naturellement qu’ils ont participé ou organisé de nombreux cortèges contre les partis racistes et particulièrement la ligue du nord, bien avant que Salvini ne soit Ministre de l’Intérieur (devrait-on dire Premier Ministre tant il pèse sur le gouvernement ?).
D’ailleurs, la presse ne manquait pas de dire à chaque fois « les centri sociali dans la rue contre la venue de Salvini ».
De fait, il y a une hostilité réciproque entre les centri sociali et Salvini, aujourd’hui ministre de l’Intérieur.
Il est aussi important de rappeler que l’extrême droite a aussi maintenant ses squats, souvent appelés (par eux-même) « occupations non conformes » ou « espaces non conformes », bien moins nombreux que les centri sociali, ils se multiplient quand même ces dernières années sous l’impulsion de CasaPound. Et c’est un élément intéressant pour la suite. Mais clairement, il y a peut être cent fois plus de centri sociali que d’occupations d’extrême droite. Cela dit, c’est beaucoup moins négligeable qu’il y a 15 ans. Même si c’est un phénomène minoritaire, il reste problématique. Et c’est ce qui inspire le Bastion Social en France, ou le Hogar Social en Espagne. Bizarrement, les liens sont très forts entre ces diverses fractions, mais c’est encore un autre sujet qui mériterait qu’on s’y penche grandement.
Nous voulions simplement rappeler l’hostilité historique réciproque entre les centri sociali et l’actuel ministre de l’intérieur. On attendait le moment où il allait finalement l’exprimer par la force. Ce moment est arrivé. La guerre semble déclarée. #CheLaRabbiaEsplode
Après les évènements à Rome autour de la mort de Désirée l’automne dernier, dont nous avons parlé sur cette page. Tuée et violée dans un lieu abandonné (et non squatté politiquement), le ministre de l’intérieur n’a pas manqué d’accuser le phénomène des occupations illégales, comptabilisant les occupations politiques de Rome. Cependant, il a soigneusement évité de parler de Casapound. Il a donc appelé à l’expulsion de toutes les occupations illégales, mais a toujours écarté l’idée pour les néofascistes quand la question lui était posée.
A savoir que la mairie de Rome a enfin voté l’expulsion du siège de Casapound Italia (CPI) à Rome, édifice de plusieurs étages occupé depuis 2003, à deux pas de la gare centrale, en plein coeur d’un quartier à la mixité sociale forte. C’est une grande victoire, même si l’on en comprend toutes les limites : cette expulsion s’appliquera-t-elle ? Si oui, quand ? La police, qui vote en nombre pour CPI, appliquera-t-elle les ordres ? Le ministre de l’Intérieur va-t-il s’y opposer, lui qui prenait un selfie au restaurant avec les cadres du mouvement néofasciste ou s’affiche avec des vêtements de la marque Pivert, fondée par un des cadres de CPI? #DeuxPoidsDeuxMesures#OnPeutVousAiderALesVirer
Rappelons-le, Désirée n’est pas morte dans un centro sociale, et les militant.e.s des centri sociali du quartier ont organisé une grande vague de solidarité à la famille de la victime. Le prétexte restait tout trouvé.
La sentence n’était pas encore tombée.
EXPULSION DE L’ASILO & REPRESSION FASCISANTE
Jeudi 7 février, des centaines de policiers ont encerclé l’Asilo Occupato à Turin, lieu qui allait fêter ses 25 ans d’occupation, et selon la presse et le gouvernement très lié à des groupes anarchistes. Les occupants ont résisté comme ils pouvaient, se barricadant sur le toit. Le quartier a été bouclé par la police, les soutiens ont subi une répression violente dans la rue. La préfecture parle de « tanière de subversifs ». L’expulsion a été lancée dans le but d’arrêter des militants qui s’étaient mobilisés contre les centres de détention de migrants en Lybie.
Le site Non Fides écrit : « parallèlement, sept arrestations ont été effectuées (il pourrait y en avoir huit) dans le cadre d’une enquête menée pour une association de malfaiteur (article 270 bis) dans le cadre de la lutte contre les centres d’internement et de rapatriement des personnes migrantes.
La répression actuelle ne s’arrête pas là : dans l’immeuble en face de l’asilo, des compagnons ont décidé de faire entendre la radio directement sur le balcon, ils ont été surpris par une panne de courant provoquée par les policiers qui les attendaient en bas de l’immeuble. Des contrôles d’identité ont eu lieu dans la zone d’Aurora, mais pas seulement, la police attendait également à l’extérieur de la station de Porta Susa. À 6 heures, Via Cecchi s’est tenu un rassemblement qui s’est rapidement transformé en cortège »
A lire ici : http://www.non-fides.fr/…
Si nos calculs sont bons, il y aurait maintenant une vingtaine de personnes arrêtées et en prison suite aux manifestations et émeutes qui ont suivi. Le samedi 9 février a connu une manifestation très chaude, qui aura fait les choux gras de la presse. Une autre manifestation sauvage a attaqué la prison à coups de « bombe carta » et de molotov, réussissant à faire prendre feu à un bâtiment de la prison. La presse n’a pas manqué non plus de relever que la fumée a été incommodante pour les détenus, dont les conditions de détention auront été dégradées. On entend malheureusement moins de voix quant aux conditions de détention le reste du temps. #QuandCestLaPoliceOuLesMatonsCaVousGêneMoins
Bref, le récit des résistances serait aussi très intéressant à détailler largement, mais nous allons nous pencher sur la répression et ce qu’elle signifie. Vous en avez déjà un petit aperçu avec la citation de Non Fides.
Pour plus d’informations, vous pouvez suivre les pages Macerie, Radio Blackout 105.250, InfoAut et leurs articles (en italien mais peut être bientôt sur Infoaut_English ?) et le profil Macerie Torino. Vous retrouverez aussi quelques liens en fin du texte. On vous recommande aussi la section « macerie » du site « autistici ».
BREAKING NEWS : quand nous écrivions ces lignes, le profil Macerie Torino, principal canal d’information était encore disponible. Il a sauté dans la nuit du 13 février, entre 22h30 et 23h15.
POLICE PARTOUT, JUSTICE NULLE PART
Turin est sous occupation policière, les moindres faits et gestes des solidaires sont épiés en permanence et durement réprimés. Nous avons reçu des photos qui ont toutes été prises à Turin, à des heures et des lieux différents. Nous n’avons aucun moyen de les authentifier ni d’en donner les heures et lieux. Nous ne voudrions pas colporter de fake news, ni d’exagération. Cela dit, elles corroborent les récits que nous pouvons lire ici et là et donnent à voir une occupation policière de la ville assez terrible. Les micro-tentatives de solidarité sont nassées instantanément.
Le discours de l’état est martial, cherchant à faire peur, tant les militant.e.s concerné.e.s que la population. Il s’agit même d’une propagande à grande échelle, par voie de presse. Des articles de journaux plutôt sérieux parlent de l’attaque d’un bus de ligne avec des lacrymogènes lancés à l’intérieur par « les anarchistes ». Les fameuses grenades lacrymogènes du black bloc, c’est bien connu. #LaPoliceVousParle
Au delà de l’aspect risible de la chose, cette criminalisation massive des militant.e.s (3 sont accusés de terrorisme, les autres d’associations de malfaiteurs et/ou violences si nous avons bien compris), cette présence policière exceptionnelle en de nombreux points de la ville, cette répression judiciaire et administrative, cette propagande énorme, doivent nous interpeller toutes et tous. #ToutLeMondeDetesteLaPolice
Au détour du communiqué des occupant-e-s visible sur autistici.org (lien en bas de texte), on apprend aussi que 4 blessés graves se trouvaient à l’hôpital, que l’hôpital est investi par les forces du désordre, et qu’au moins une personne s’est vue notifier son arrestation à l’hôpital. Elle aurait été arrêtée sur le paillasson de l’hôpital aux dernières nouvelles.
Aujourd’hui se tenait un rassemblement de soutien, et la police a chargé les gens qui s’y rendaient, à l’intérieur d’un tram bondé, en tenue anti-émeute.
Nos camarades de Patria Socialista écrivent « policiers anti-émeutes qui, sur un tram plein de gens, chargent les personnes qui veulent rejoindre un rassemblement. Scènes que l’on n’avait pas vu depuis très longtemps, mais que, nous en sommes sûrs, nous verrons toujours plus, d’aujourd’hui à l’avenir » en décrivant cette vidéo de l’ACAD Associazione Contro gli Abusi in Divisa – Onlus : https://www.facebook.com/AcadOnlus/videos/448090482397342/
Une autre scène du même type, où la police bloque un tram, entre dans le tram et fait sortir de force sans raison apparente une passagère racisée, qui crie « fascistes, fascistes » : https://www.facebook.com/localteamtv/videos/389546135143388/
La police anti-émeute chargeant dans un tram bondé les gens se rendant à un rassemblement. Nous avons beau diffuser les images et l’écrire noir sur blanc, cela semble dur à croire, à admettre. Et pourtant, voilà ce qu’est l’Italie de Matteo Salvini. Voilà ce qu’est une société fascisante, qui s’assume de plus en plus. Elle ne tue pas encore ses opposants politiques de manière assumée et en nombre. Mais elle s’éloigne toujours plus des caractéristiques qui fondent les sociétés démocratiques des républiques bourgeoises que nous connaissons. Nos démocraties se durcissent un peu partout. Que ce soit Castaner ou Salvini, Orban ou Trump, nous penchons toujours plus vers Poutine et Erdogan, vers un ordre social autoritaire, voire totalitaire. #NeVivonsPlusCommeDesEsclaves
CONTRE LA REPRESSION, SOLIDARITE !
Notre arme, c’est la solidarité. De nombreux cortèges se tiennent à Turin et se tiendront probablement dans le reste de l’Italie.
Que celles et ceux qui le peuvent s’y joignent.
Il est évident qu’il semble compliqué pour beaucoup de pouvoir se déplacer. Il y a plein d’autres manières d’apporter sa solidarité.
Partager ce post, par exemple, donner à la caisse de soutien, envoyer des lettres aux camarades prisonniers, tagguer des messages de soutien sur les murs, organiser des rassemblements, une visite des consulats italiens, publier des communiqués, des articles, installer des banderoles et messages de soutien, distribuer des tracts …
Tout est à faire, pour que ça se sache. Et comme le disait Brigada Flores Magon, ça se paiera ! https://www.youtube.com/watch?v=zgWKQmy89kk
Pour écrire aux camarades (nous nous permettons de diffuser les noms, car ils ont été diffusés via le communiqué du 10 février), vous pouvez leur écrire même une petite carte en anglais, ça fera toujours plaisir, et ça apporte un soutien moral et psychologique très important :
Rizzo Antonio
Salvato Lorenzo
Ruggeri Silvia
Volpacchio Giada
Blasi Niccolò
De Salvatore Giuseppe
Antonello Italiano
Irene Livolsi
Giulia Gatta
Giulia Travain
Fulvio Erasmo
Caterina Sessa
Martina Sacchetti
Carlo De Maur
Adresse de la prison de Turin :
C.C. Lorusso e Cutugno
via Maria Adelaide Aglietta, 35,
10149 Torino TO.
Italie
Les arrestations sont nombreuses, et certain.e.s avec des accusations graves qui les contraindront à la détention pour un temps long. Nous appelons toutes les personnes solidaires à envoyer un don pour les soutenir au compte bancaire de Giulia Merlini et Pisano Marco
IBAN IT61Y0347501605CC0011856712
ABI 03475 CAB 01605
BIC INGBITD1
MASSIMA SOLIDARIETA
LIBER* TUTT*
LIBERONS-LES !
SOLIDARITE MAXIMUM
BREAKING NEWS : « 11 personnes arrêtées durant la manifestation de samedi vont être relâchées sous peu, elles pourront quitter la prison sous peu, mais elles devront se soumettre à un contrôle judiciaire : aller signer quotidiennement dans un commissariat.
Parmi les chefs d’accusations, le juge d’instruction (si nous ne nous trompons pas sur la traduction de « gip ») a confirmé seulement celui de résistance envers un agent public (comparable à celui de rébellion en France) lors de leur arrestation. La solidarité de ces derniers jours a complètement coulé les actions du préfet, du maire et du premier adjoint, leur politique de terre brûlée autour des arrêté.e.s et leur tentative de diviser les manifestants entre bons et méchants. »
dans un communiqué tout récent de Macerie, lisible ici en italien : https://www.autistici.org/macerie/?p=33338
C’est un immense tag qui a la vie dure, chaussée de Vilvorde. Sur l’un des murs du domaine royal de Laeken, où résident le Roi et la Reine, une inscription qui s’étend sur 60 mètres est rédigée en blanc et en vert. Celle-ci est visible depuis près de six mois et indique: « La police tue. 98-18. La police tue toujours » suivi de: « Semira. Mawda. La police assassine« . En marge, l’acronyme ACAB pour « All cops are bastards ». A traduire par: « Tous les policiers sont des bâtards« .
Impossible de déterminer avec précision de quand date ce tag ni l’identité des auteurs. Ce qui est certain, c’est qu’il remonte au mois de septembre dernier, au moment des commémorations de la mort de Semira Adamu. Semira Adamu, demandeuse d’asile nigériane, mourrait après avoir été étouffée par un gendarme à l’aide d’un coussin, au moment de son rapatriement forcé vers son pays d’origine. Un choc dans le pays et au sein des forces de l’ordre. 20 ans après, plusieurs associations qui viennent en aide aux réfugiés ou luttant contre les violences policières ont voulu rappeler cet événement.
20 ans de la mort de Semira Adamu, en septembre dernier, des activistes ont donc tagué une façade symbolique, celle du roi des Belges en effectuant un parallèle avec un événement récent, la mort de Mawda, deux ans, tuée par balleaprès une course-poursuite avec la police.
Un irrespect de la part des autorités
Depuis, impossible de passer à côté de cette inscription. Vu son ancienneté, le tag fait réagir au sein de la police. Vincent Gilles du syndicat SLFP-Police, déclare vertement: « On pourrait penser que ce tag est anecdotique mais il illustre quelque chose de beaucoup plus grave tant à l’égard de la police et des policiers qu’à l’égard de la société. Qui est responsable du fait que ce tag soit toujours là? Selon moi, toute autorité compétente et en premier lieu le propriétaire du mur qui a la responsabilité de l’effacement, voire d’entamer des poursuites. On ne peut pas imaginer que les gestionnaires du domaine royal n’aient pas vu ce tag. Reste que l’autorité administrative a également une énorme responsabilité. La Ville de Bruxelles a certainement été alertée soit par le propriétaire, soit par un agent communal. Nous constatons que le bourgmestre ou du moins l’administration communale n’a pas autant de respect qu’elle prétend en avoir pour la police et les policiers. »
[Buvons ces larmes de keufs XD XD XD]
Vincent Gilles poursuit quant au message en lui-même: « Si la police ou un policier a commis des erreurs qui ont amené à un décès ou un préjudice grave à l’égard d’un citoyen, cela n’est pas resté impuni car nous sommes en démocratie. Dès lors, il est important que cette institution qu’est la police soit respectée. Cet tag est l’illustration d’un total irrespect à l’égard de la police. Pas un irrespect de la part de l’auteur du tag, qui émet ici son opinion, quelle qu’elle soit. Mais un irrespect de la part de toutes les autorités responsables qui laissent ce tag depuis des mois. »
Le dossier est à l’étude
Contacté, le Palais royal nous répond que « les procédures concernant l’effacement du tag sont lancées« . Il faut rappeler que le domaine royal de Laeken a deux propriétaires: la Régie des Bâtiments (Etat fédéral, 49%) et de la Donation royale (51%). Ce qui rend la prise de décision moins évidente.
La Ville de Bruxelles, de son côté, dispose d’un service anti-tag. Mais celui-ci ne peut intervenir qu’après une demande formelle d’un propriétaire. Une intervention gratuite moyennant la signature d’une décharge. « Nous sommes disposés à intervenir s’il y a une demande« , conclut l’échevine de la Propreté publique Zoubida Jellab (Ecolo).
La Belgique a connu à l’hiver 60-61 un grève générale causée en partie par une politique de rigueur dans un contexte de dette publique élevée, et de décolonisation du Congo Belge. L’industrialisation Belge a été l’une des plus précoce, et le taux d’emploi industriel est l’un des plus élevé d’Europe à cette période. Pourtant, l’industrie Wallonne (acier, mines, textiles,…) décline : défaut d’investissement, perte de débouchés, chômage élevé. En Flandres, à l’inverse, les capitaux affluent depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de nouvelles industries se développent, et donnent un poids croissant à la région. La grève générale aura des conséquences politiques, et débouchera sur une demande d’autonomie plus grande de la Wallonnie.
Cet article fait suite à la première partie qui a abordé deux expériences autogestionnaires, la société coopérative Les Textiles d’Ere, et La société coopérative L’Espérance.
1975. La société coopérative «Le balai libéré»
Au départ de l’aventure du Balai libéré, il y a la revendication de meilleures conditions de travail. Jusqu’en février 1975, la société de nettoyage ANIC effectuait en sous-traitance les travaux de nettoyage pour l’Université Catholique de Louvain sur le site de Louvain-La-Neuve (Ottignies). Un premier conflit éclate en novembre 1974. Les griefs des ouvrières sont nombreux. Elles sont payées 78 francs brut de l’heure alors que le tarif normal est de 102 francs. Les frais de déplacement ne sont pas remboursés et, lorsqu’elles cassent du matériel, elles encourent une amende. Elles ne bénéficient pas de vêtements de travail. Certaines travaillent pendant des mois sans être déclarées. Le patron interdit aux ouvrières de fréquenter les cafétérias de l’université ou d’adresser la parole aux «consommateurs». A cela s’ajoute, les brimades quotidiennes d’un brigadier particulièrement odieux, les traitant sans aucun respect.
Suite à une restriction budgétaire de l’UCL, le directeur de la société décide d’envoyer, sans aucune concertation, une vingtaine de travailleuses sur un chantier à Recogne en Ardenne, à 150 km de là.
Le 25 février 1975, les travailleuses se mettent en grève. Elles réfléchissent à l’utilité d’avoir un patron pour effectuer un travail qu’elles connaissent mieux que quiconque et après plusieurs jours de réflexion, adressent une lettre de licenciement à leur patron et à leur brigadier. «Réunies depuis une semaine dans des groupes de travail et en assemblée générale, les ouvrières de feu votre firme ont constaté ce qui suit : tout d’abord nous constatons après une étude approfondie de notre travail que nous pouvons parfaitement l’organiser entre nous. (…) Ensuite, nous découvrons que votre rôle principal a été de nous acheter notre force de travail à un prix négligeable pour la revendre à un prix d’or à l’UCL (…) Nous sommes au regret de vous signifier votre licenciement sur le champ pour motif grave contre vos ouvrières».8
Le 10 mars 1975, elles constituent une asbl «Le Balai Libéré» avec l’appui actif de la CSC du Brabant wallon. L’Institut Cardijn leur prête 50 000 francs et elles obtiennent le contrat de nettoyage de l’UCL. En 1978, l’asbl connaît des moments difficiles : un budget sous-évalué, trop d’investissement dans les machines, dans les produits. Elles doivent adopter un plan de crise : pas d’augmentation salariale, le chômage tournant, un jour sur cinq.
En juillet 1979, l’association se convertit en coopérative. La plupart des nettoyeuses et les 6 laveurs et laveuses de vitres prennent des parts dans la coopérative (3 000 francs). Des 35 personnes en 1975, elles sont 96 en 1980. Société de service, fonctionnant à partir d’un cahier de charge, l’investissement en machines et en produits est au départ réduit. Les travailleuses améliorent les conditions de travail : meilleure coordination, conception des horaires liés au transport en commun, aux contraintes de la vie, égalité dans les salaires et augmentation des salaires au barème du secteur, avantages sociaux (par exemple absence sans perte de salaire pour maladie d’un enfant).
Ce qui diffère dans l’entreprise autogérée, c’est le climat de solidarité entre travailleurs, même si des difficultés tant externes qu’internes existent. Externes, comme le fait que l’université est un client difficile, qui joue parfois le patron ou comme le fait que beaucoup sur le site veulent jouer les petits chefs. Internes, comme, par exemple, que les laveurs de vitre se sentent parfois en minorité ou que ce sont souvent les mêmes ouvrières qui s’investissent dans le projet pour le mener à bien.
Dans les années 1970 jusqu’à aujourd’hui, les arguments des gauches communistes sur l’alliance entre antifascistes et démocratie bourgeoise est repris par une nouvelle génération de théoriciens. La critique par Dauvé de « l’idéologie antifasciste » est construite contre un véritable homme de paille: si au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale les partis politiques du bloc occidental ont pu se revendiquer de certaines formes de démocratisme, la prise en compte de la spécificité du fascisme est, dans un contexte d’entrée dans la Guerre Froide, vite rejetée au profit du concept creux de totalitarisme. La question de la spécificité de l’antisémitisme n’est alors à aucun moment prise en compte, les crimes nazis étant relativisés et mis dans le même panier que toutes les autres horreurs du capitalisme, stalinisme compris, sans jamais se soucier de situer historiquement et socialement la violence de l’Etat, du capital et des rapports de classe en général. Cette relativisation conduit une partie de l’ultra-gauche des années 1970 à soutenir et diffuser les thèses négationnistes
Si dans les années 1980 une partie de l’antifascisme et de l’antiracisme a pu être récupérée par la gauche bourgeoise et blanche (on pense en France aux initiatives venues du Parti Socialiste SOS Racisme et Touche pas à mon pote), on remarque aujourd’hui que les liens entre antifascisme et sociale-démocratie sont plus ténus que jamais, les antifa se retrouvant à lutter autant contre l’Etat, les partis bourgeois (le PS dans le mouvement contre la Loi Travail, les politiques anti-immigration du gouvernement de Macron) que les fascistes. D’une manière générale notre critique de l’antifascisme recoupe une grande partie de nos critique contre le militantisme en général: folklorisation, manque de lisibilité politique et abandon des problématiques d’exploitation.
De l’Antifascisme aux Antifa
Le critique de l’antifascisme le plus souvent invoqué à gauche est Gilles Dauvé, un communiste français de l’après 68 qui a tenté d’opérer une synthèse de la gauche communiste de Bordiga et du communisme de conseil germano-hollandais. Dauvé développe sa critique de l’antifascisme dans l’introduction qu’il a écrite à plusieurs textes de la revue Bilan consacrés à cette thématique, traduite en anglais sous le nom de « Fascism/Antifascism » en 1982, puis retravaillée dans le texte « Quand meurent les insurrections » en 1998. Dauvé y décrit l’antifascisme avec mépris, comme « pire produit du fascisme », dans la mesure où il finit par prendre la défense de cela même qui produit le fascisme, à savoir le capitalisme et l’Etat capitaliste.
Ces critiques furent formulées avant l’apparition des groupes antifascistes militants des années 1980, apparus dans toute l’Europe et aux États-Unis pour contrer la prolifération des skinheads Nazis. Bien que Dauvé et d’autres comme lui étaient sceptiques quant à l’efficacité de ces milieux, leurs critiques visaient plutôt les tactiques de Fronts populaire des années 1970 dans des contextes comme celui du Chili et du Portugal. Dans la plus grande partie de l’Europe, cependant, les partis fascistes ont été interdits ou contraints à la clandestinité après 1945, et ne sont réapparus que dans les années 1980 et 1990 via des groupes underground de la culture skinhead ou des organisations terroristes clandestines. Dans le même temps, à travers la la quasi totalité de la période d’après-guerre, les coalitions de gauche au pouvoir dans toute l’Europe avaient abandonné leurs intentions socialistes et adopté la restructuration néolibérale. Sans coalition de gauche à laquelle s’attacher et avec peu d’adversaires fascistes, l’antifascisme a largement disparu en tant que mouvement de rue.